Participer c’est renoncer ? (sept 2024)

Dans le cadre des élections professionnelles, le protocole d'accord préélectoral (PAP) est un document crucial. Il fixe les règles d'organisation des élections, comme le mode de scrutin ou les conditions de vote, et doit être signé par une majorité des syndicats participants. S’il s’agit d’un acte négocié entre l’employeur et les syndicats, ce protocole doit néanmoins respecter des règles essentielles communes à toutes les élections. Si le protocole devait enfreindre ces règles essentielles, il pourrait être annulé, de même que les élections qui se sont déroulées sur le fondement de ce protocole. Cependant, un salarié qui s’est présenté aux élections, sur la liste d’un syndicat qui n’a pas contesté au préalable le protocole pré-électoral, peut-il le contester après la proclamation des résultats ? C'est cette question qui a été tranchée par la Cour de cassation dans un arrêt récent du 11 septembre 2024 (Soc. 11 sept. 2024, n° 23-15.822).

Les faits en cause

En l’espèce, une entreprise avait conclu avec certaines organisations syndicales, dont la CFTC, un protocole d'accord préélectoral pour organiser les élections des membres du Comité Social et Economique (CSE), avec recours au vote électronique. Si la CGT et FO n'avaient pas signé ce protocole, elles n’avaient pas non plus émis de réserve sur sa validité.

Après la proclamation des résultats des élections, certains élus et candidats, accompagnés par la fédération FO, ont saisi le tribunal pour contester la validité des élections. Ils reprochaient notamment au protocole d'avoir enfreint des règles d'ordre public en matière de droit électoral.

La fédération UNSA et d’autres salariés (candidats ou élus) ont contesté l’action du syndicat FO en soutenant l’irrecevabilité de l’action judiciaire au motif qu’en raison de leur participation aux élections et de l’absence de toute réserve préalable à ces élections, ils ne pouvaient plus contester le protocole pré-électoral même illicite au regard de l'ordre public.

Dans sa décision du 11 septembre 2024, la Cour de cassation va faire droit à l’objection soulevée par l’UNSA et ainsi rejeter la contestation des élections portés par FO et d’autres salariés.

La solution rendue

Certes la Cour de cassation avait déjà jugé que les syndicats, qui participent aux négociations du protocole pré-electoral ne peuvent pas contester la validité de cet accord après les élections soit signés le protocole sans réserve, soit présenté des candidats sans émettre de réserve (Soc. 24 nov. 2021, n° 20-20.962).

Toutefois, dans l’arrêt rendu la Cour de cassation va plus loin et étend aux salariés qui ont concouru aux élections sous l’étiquette d’un syndicat n’ayant fait aucune réserve l’impossibilité de contester le protocole pré-électoral, quand bien même ce document serait illicite et quand bien même les salariés-candidats n’auraient pas participé aux négociations du protocole pré-électoral.

Commentaire : un équilibre entre sécurité juridique et droit de contestation

Cet arrêt peut sembler sévère, car il limite la possibilité pour un salarié ou un syndicat de contester un protocole d’accord après les élections, même en présence de violations d’ordre public. Cependant, la Cour de cassation fait primer la sécurité juridique et entend peut-être empêcher les contestations opportunistes post-électorales. En effet, les juges ont pu estimer que s’ils avaient autorisé une telle contestation a posteriori, cela aurait pu permettre à un syndicat ou un candidat attendre de voir s’il gagne ou perd avant de décider d'attaquer la validité du processus électoral.

D’un autre côté, on pourrait objecter que tous les syndicats et tous les candidats ne sont pas des experts juridiques et qu’ils peuvent ne pas avoir immédiatement eu connaissance du caractère illicite de certaines stipulations du protocole pré-électoral qui auraient été introduites lors des négociations avec l’employeur.

Néanmoins, la Cour de cassation estime que si contestation il y a, elle doit être formulée en temps utile. Un salarié qui participe aux élections professionnelles, sans que son syndicat ou que lui-même n’émette de réserve quand à la validité des élections renoncera, de fait, à toute action judiciaire après la proclamation des résultats. Participer sans réserve au jeu électoral, c’est s’y soumettre.

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