Pluralisme syndical : pas de communication à deux vitesses dans l’entreprise

La représentativité peut, dans certains cas, permettre de distinguer les syndicats entre eux. Mais elle ne légitime pas toutes les différences de traitement, et notamment lorsque l’on touche aux droits syndicaux les plus essentiels au nombre desquels figure celui de pouvoir communiquer avec les salariés.

L'information des salariés par les organisations syndicales constitue l’une des composantes fondamentales de la liberté syndicale inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946. Pouvoir diffuser des informations à l’intérieur même des locaux de l’entreprise a ainsi été une conquête du mouvement syndical.

Toutefois,  lorsqu’il s’agit de permettre aux syndicats d’utiliser les moyens informatiques pour communiquer avec les salariés, que ce soit par email ou en utilisant l’intranet, un accord collectif peut en fixer les conditions et les modalités. Il peut alors être tentant pour l’employeur de négocier avec les organisations syndicales représentatives, c’est-à-dire les seules qui sont autour de la table des négociations, des droits supplémentaires pour elles, en excluant les syndicats non représentatifs, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas obtenus au moins 10% des suffrages.

C’est l’affaire qui a été soumise récemment à la Cour de cassation du 12 mars 2025 (n° 23-12.997).

LE NUMERIQUE, NOUVEL ENJEU DE LA DIFFUSION DE L’INFORMATION SYNDICALE

Dans les faits, un accord collectif de groupe avait réservé aux seules organisations syndicales représentatives la possibilité d’envoyer un courriel à l’ensemble des salariés portant sur « le thème ayant fait l'objet de la négociation ».

Un des syndicats non-représentatif avait ainsi saisi la justice pour contester la différence de traitement opérée quant aux moyens de communications syndicales. 

Les premiers juges avaient débouté le syndicat minoritaire au motif que la distinction opérée avait un motif licite. Selon eux, dans la mesure où seuls les syndicats représentatifs peuvent négocier, il pourrait être admis de leur octroyer des droits de communication supplémentaires dans le cadre de la négociation.

Ce raisonnement a été censuré par la Cour de cassation.

LE DROIT D’INFORMATION DES SYNDICATS NE PEUT DEPENDRE DE LEUR REPRESENTATIVITE

Une telle distinction, opérée sur la base du contenu des communications autorisées et donc sur la qualité représentative d’un syndicat, n'est pas pertinente selon la Cour de cassation.

Dans sa décision, la Cour rappelle un principe simple mais fondamental : dès lors qu’un syndicat, représentatif ou non, est présent dans l’entreprise et qu’il a constitué une section syndicale dans l’entreprise, il doit bénéficier des mêmes droits de communication que les autres. Cela vaut pour l’affichage traditionnel sur les panneaux de l’entreprise, mais aussi pour les outils numériques comme l’intranet ou les courriels, même si ces moyens ont été instaurés par voie d’accord collectif.

La Cour de cassation rappelle ainsi un principe fort que les droits d’expression des syndicats sont inhérents à leur qualité de syndicat et qu’il n’y a pas lieu d’opérer des différences de traitement fondées sur un score électoral.

Il en va bien évidemment du pluralisme syndical.

Ce principe concerne tous les supports de communication, qu’ils soient physiques ou numérique. L’égalité syndicale ne s’arrête pas aux murs de l’entreprise, elle se prolonge sur les réseaux et supports digitaux.

En effet, difficile d’imaginer aujourd’hui une communication syndicale efficace sans passer par les outils numériques. Avec le télétravail et la raréfaction des espaces de travail collectifs, l’accès à des moyens électroniques partagés devient indispensable pour assurer une véritable expression syndicale et la prise en compte des intérêts des salariés.

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